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[Communiqué de presse] Thesaurus d’activités chirurgicales urgentes : la CN URPS-ML dénonce une ingérence administrative dans les décisions thérapeutiques
Thesaurus d’activités chirurgicales urgentes : la CN URPS-ML dénonce une ingérence administrative dans les décisions thérapeutiques
le 28 avril 2020
Par message MINSANTE_80 en date du 16 Avril 2020, ont été transmises les lignes directrices relatives à l’adaptation de l’organisation de l’offre de soins hospitalière dans l’attente et en préparation des mesures de déconfinement. Ce dernier précise :
– « il appartient aux ARS de décliner territorialement la doctrine nationale et d’organiser, sur leur territoire, l’accès aux soins des patients qui le nécessitent et la reprise d’activité en coordination avec les différents acteurs de soins. » (page 2) ;
– « la consigne de déprogrammation des interventions chirurgicales non-urgentes reste en vigueur. » (page 3) ;
– « certains patients, dont les prises en charge pouvaient être différées sans perte de chance il y a 3 ou 4 semaines, nécessitent désormais des soins immédiats sous peine de voir leur état de santé se dégrader. » (page 3) ;
– « Ainsi, sous l’égide et la coordination de l’ARS, tous les établissements et professionnels de santé sont appelés à passer au crible leur file active de patients pour les remettre dans un processus de soins, avec une planification des soins tenant compte des principes précédents: maintien de la vigilance en termes de capacités de réanimation et prévention du retard de soins ou de la perte de chance tant en ville qu’à l’hôpital, et dans tous les champs de prise en charge (MCO, psychiatrie, …). » (page 4).
Certaines ARS diffusent un « Thesaurus d’activités chirurgicales urgentes ou ne pouvant être différées » – diffusion parfois assortie d’une annonce d’un contrôle hebdomadaire d’activité de chaque établissement.
Au-delà du fait que cette information n’a été transmise qu’aux fédérations hospitalières et établissements sans aucune concertation préalable avec les URPS de Médecins Libéraux et présidents de CME d’une part, ni même quant au contenu de ce thesaurus d’autre part, il convient de rappeler avec force qu’une indication opératoire se construit sur plusieurs paramètres et non sur le seul intitulé d’un acte (ou d’un groupe d’actes). Une indication opératoire est toujours le résultat d’une analyse bénéfice-risque prenant en compte :
– Le patient : âge, antécédents et comorbidités, situation clinique actuelle mais aussi impact social et professionnel (personnel soignant, force de l’ordre, …), statut au regard du COVID ;
– Les issues thérapeutiques proposables, leurs bénéfices attendus et risques encourus – y compris une attitude abstentionniste ;
– Les modalités thérapeutiques : durée, moyens requis, durée d’hospitalisation prévisible, conditions de retour à domicile, … au regard de la situation et des mesures organisationnelles prises par l’établissement concerné ;
– Le contexte – en l’occurrence la pandémie actuelle – et les tensions logistiques.
La plupart des Conseils Nationaux Professionnels et sociétés savantes ont effectivement édicté des recommandations tout en rappelant, comme la Société Française de Chirurgie du Rachis (24 Mars 2020) que « les situations cliniques sont à analyser au cas par cas par un tandem chirurgien-anesthésiste » et que « ces propositions devront être interprétées en fonction de l’intensité de l’épidémie et de ses conséquences sur l’organisation des structures de soins ».
Chacun constate et prend en compte la nécessité d’une offre de soins dégradée et adaptée tant aux enjeux personnels des patients que collectifs.
Enfin, une telle liste ne peut couvrir l’ensemble des situations personnelles particulières dont certaines, qui ne manqueront pas de se présenter, placeront praticiens et établissements dans des situations difficiles.
La démarche présentée relève d’une logique de restriction d’emploi des ressources matérielles encore insuffisantes, mais sans réelle prise en compte de l’intérêt des patients concernés ; ne vaudrait-il pas mieux affecter ces ressources au regard de la demande – ce qui d’une certaine façon relèverait d’une démarche de priorisation, notamment temporelle, mais suppose une vision affutée des disponibilités, des capacités d’approvisionnement et une programmation anticipative :
=> Évaluation des patients en attente à l’aune de principes de type Damage Control, au sens de l’affectation de ressources rares au regard de la situation particulière du patient, dans le respect des recommandations de chaque société savante ;
=> Prévisionnel d’activité attendue et son évolution au regard de l’accumulation de prises en charge reportées et de demandes nouvelles ;
=> Prévisionnel des besoins en ressources ;
=> Impératif de réorganisation structurelle : suppression des chambres doubles, parcours patient dédiés au regard du statut COVID confirmé ou suspecté, …, ce qui peut également soulever la question du dépistage systématique de tout patient hospitalisé lors de son entrée, des modalités d’un tel dépistage, … ;
=> Réorganisation des cercles de soins ambulatoires, condition d’une optimisation des durées de séjours et des capacités d’hospitalisation.
La situation est par ailleurs très hétérogène d’un territoire à l’autre et justifierait d’une approche régionale et non à la seule échelle d’un territoire de GHT comme évoqué dans le document adressé le 21 Avril : « Déclinaison régionale de l’adaptation de l’organisation de l’offre de soins hospitalière dans l’attente et en préparation des mesures de déconfinement ».
Ainsi, la cellule de crise régionale pourrait assurer une répartition homogène des charges directement liées au COVID-19 et une juste répartition de ressources rares afin de faciliter une offre de soins redimensionnée assurant un accès aux soins aussi égal que possible en tout point du territoire régional.
Aussi, nous ne pouvons que conseiller à nos confrères de se référer aux recommandations de leur Conseil National Professionnel d’une part, et de s’approprier une démarche d’appréciation de la balance bénéfice-risque particulière à chaque patient à prendre en charge, au regard de la situation de l’offre de soins locale.
Nous proposons par ailleurs :
– La mise en place d’un conseil médical afin de suivre et conseiller les ARS au regard de l’évolution de la situation et des situations particulières ;
– La mise en œuvre d’une formation via l’URPS-ML et les CME à la juste orientation des patients dans un contexte de ressources rares, s’apparentant dans son aspect logistique au Damage Control ;
– Un accompagnement des confrères lors de situations intermédiaires et de décision difficile par la facilitation de réunions de concertation complémentaires ou en amont de celles appelées à se tenir au sein de chaque établissement.
La situation de crise sanitaire actuelle ne justifie pas une telle ingérence administrative dans les décisions thérapeutiques.
Les médecins sont conscients de leurs responsabilités, du contexte de forte tension impactant les ressources thérapeutiques.
Les URPS-ML qui les représentent sont mobilisées pour les accompagner dans une évolution raisonnée et réversible de l’offre de soins au profit des patients.
La Conférence Nationale des URPS-Médecins Libéraux demande de privilégier une approche raisonnée, adaptée et responsable de chacun, dans les décisions qui lui incombent, plutôt qu’une liste d’activités ne pouvant représenter l’ensemble des situations cliniques particulières.