Actualités
Covid-19 : les libéraux bretons prêtent main forte dans des régions en difficultés
Témoignage du Dr Loïc KERDILES, Anesthésiste-Réanimateur à Saint-Grégoire (35) et vice-président de l’URPS ML Bretagne, parti en renfort au CHP de l’Europe à Port Marly dans les Yvelines.
C’est de la réanimation de guerre, c’est irréel !
Au vu du contexte épidémique en Ile-de-France, le CHP de l’Europe est en première ligne sur son territoire, pour la prise en charge de patients atteints de Covid-19. Il compte depuis début mars une unité médicale de 60 lits accueillant des patients Covid-19, gérée par des pneumologues du service et des vacataires.
Pour soutenir les équipes soignantes déjà engagées (9 infirmières et 3 aides-soignantes du CHP Saint-Grégoire), je suis parti les épauler pendant trois jours. Sur place, il y avait des Anesthésistes libéraux d’autres régions (Pays de Loire et Normandie).
Des Anesthésistes du groupe étaient déjà partis en renfort à Osny : le Dr FRESNEL (CHP Saint-Grégoire) et Dr LE TOUVET (HP Sévigné).
Une partie de l’équipe d’anesthésie a monté une première unité de réanimation Covid dans l’USC (Unité de Surveillance Continue de cardiologie), avec 8 postes.
Une seconde unité a ensuite été créée dans la SSPI (Salle de Surveillance Post-Interventionnelle) de leur bloc endoscopie, avec 6 postes.
La mise en place a été complexe, mais le renfort en matériel des cliniques bretonnes a permis d’équiper tous ces postes (respirateurs, systèmes d’aspiration, pousses seringues électriques, monitoring, EPI, masques…). En dépit de conditions peu confortables, 14 patients ont ainsi été accueillis, via le SAMU, les urgences, ou à partir de l’unité médicale Covid de l’établissement.
L’autre partie de l’équipe d’anesthésie a permis la poursuite de l’activité du bloc opératoire « non différable » (oncologie…) et des urgences chirurgicales.
Sur place, nous avons pu constater que la situation est extrêmement tendue : c’est de la réanimation de guerre, c’est irréel !
J’ai pu observer des patients (âgés de 52 à 73 ans) en SDRA (Syndrome de Détresse Respiratoire Aigü) ventilés avec des respirateurs d’anesthésie. C’est un mode dégradé de la réanimation moderne.
Pour un professionnel de santé, il est indéniable qu’il faut énormément de volonté et d’abnégation pour accepter cela.
Malgré leur enthousiasme, les équipes paramédicales commencent à s’épuiser. En effet, les conditions de travail sont difficiles : semaines de 60 heures, une surcharge de travail quotidienne (pression émotionnelle), des soins infirmiers de nursing lourds (une fatigue physique due aux changements de position du patient, imposés par la ventilation), des procédures d’habillage et de déshabillage fastidieuses et chronophages.
A ces équipes, nous leur devons tous les moyens de protection, car il faut dire la réalité telle qu’elle est : ce quotidien, c’est comme rentrer dans le réacteur éventré de Tchernobyl !
Ce tableau esquissé démontre aisément que les renforts de nos équipes, en soutien des personnels du CHP de l’Europe, sont les bienvenus. Sur place, j’ai aussi côtoyé des IDE de Bretagne extrêmement motivées et bienveillantes.
Depuis le 16 mars 2020, suite à la demande du Ministre de la Santé, l’ensemble des cliniques privées ont déprogrammé leurs interventions afin d’augmenter la capacité de soins critiques sur l’ensemble du territoire. De nombreux témoignages d’Anesthésistes libéraux du Grand Est et de l’Ile-de-France rapportent un retard « à l’allumage » dans la coopération entre l’hôpital public et le privé. Mais dans un second temps, les acteurs du secteur privé ont été de mieux en mieux intégrés au dispositif.
Nous sommes prêts à venir en aide à nos confrères d’autres régions, et si l’on nous en donne l’occasion, à accueillir également dans nos cliniques leurs patients transférés.
Je tiens à remercier les Drs HOUISSA et BRASSEUR, pour leur accueil et saluer leur courage.
Rédigé par Dr Loïc KERDILES, Anesthésiste-Réanimateur au CHP de Saint-Grégoire (35)