Lettre ouverte du Dr Nikan MOHTADI, Président de l’URPS MLB
Vaccination Covid-19 :
« De la conscience à la confiance »
Le 3 février 2021, 10h00
Ainsi donc, la vaccination, que l’on nous avait annoncée comme la solution ultime pour contrecarrer la pandémie Covid-19, a été mise en œuvre dans des conditions plus qu’ubuesques.
Dès la validation par les autorités européennes et françaises des autorisations de mise sur le marché du vaccin Pfizer, les Médecins Libéraux se sont mis en marche pour organiser la campagne de vaccination dans les territoires, en coordination avec les autres professionnels de santé (libéraux des territoires, du monde hospitalier, du secteur médico-social en particulier).
Nous nous sommes basés sur les annonces gouvernementales, et plus spécifiquement du Ministère de la Santé, relayées par les ARS pour dimensionner nos dispositifs.
Nous nous sommes soumis aux contraintes techniques des premiers vaccins disponibles, et à l’agenda serré proposé par les autorités sanitaires. Nous avons très vite proposé l’organisation de centres de vaccination dédiés (CVD), aussi bien en ambulatoire que dans les établissements de santé privés, avec un maillage fin de la région pour être au plus près des patients vulnérables éligibles à la vaccination.
Je profite de l’occasion pour saluer l’agilité incroyable du monde ambulatoire à avoir répondu aussi rapidement à ces challenges, comme en mars dernier lors de la mise en place des centres ambulatoires dédiés Covid.
Mais voilà, encore une fois dans cette gestion de crise sanitaire, nous avons eu droit à un nouveau bug, et pas des moindres, sans que l’exécutif ne se remette un seul instant en cause.
Nous avons connu les masques chirurgicaux qui n’étaient pas nécessaires en mars 2020 et qui sont aujourd’hui obligatoires sous peine de sanctions ;
Nous avons eu droit aux tests PCR qui n’avaient, disait-on, pas de réel d’intérêt mais qui sont aujourd’hui incontournables, sans aucune régulation médicale à leur accès ;
Nous avons eu droit aux tests antigéniques comme dispositifs complémentaires sans aucune organisation collective et structurée de leur usage, allant jusqu’au retrait de certains d’entre eux par manque de fiabilité….
Et aujourd’hui donc, après avoir remué ciel et terre en faveur de la campagne de vaccination pour laquelle le monde ambulatoire et hospitalier s’est fortement impliqué, l’État nous apprend que l’approvisionnement en vaccins est restreint par rapport à ce qui avait été envisagé.
Résultat, faute de vaccins disponibles, des centres de vaccination sur lesquels se sont mobilisés des professionnels de santé libéraux restent fermés, ou des lignes de vaccination sont réduites. Pourtant, les libéraux sont présents, et nous aurions les moyens de vacciner tellement plus vite !
Pire, malgré cette pénurie non anticipée par nos autorités sanitaires, nous apprenons dans un discours confus que la population cible pouvant bénéficier de la vaccination s’étend, mettant en difficulté les patients qui peinent à prendre des rendez-vous devant l’afflux de demandes, ainsi que leurs médecins qui doivent gérer l’anxiété de leurs patients face à cette situation.
Et comme si cela ne suffisait pas, les protocoles de vaccination sont modifiés au gré du vent et de l’actualité, comme si cet acte médical aussi précis qu’une vaccination pouvait se permettre de subir des choix politiques.
Nous avons beau être souples et agiles, il y a une limite de rupture qu’il ne faut pas dépasser.
Défendre une « doctrine de l’État » coûte que coûte, souvent déconnectée de la réalité du terrain, décidée dans les salons dorés parisiens, basée sur des avis d’un Conseil scientifique, certes éminent, mais si loin de la « vraie vie » nous interroge. Au début de cette terrible pandémie, nous pouvions tous légitimement comprendre ces bugs du fait de la méconnaissance de nos autorités de tutelle. Mais est-il encore admissible de voir de telles incohérences ?
Nous attendons de l’Etat un discours cohérent et sincère, et nous pourrons alors mobiliser nos moyens sur le terrain de façon concertée et le plus justement possible.
C’est toute la crédibilité de nos décideurs qui est encore mise en cause. Les acteurs de santé suivront tant bien que mal, mais attention à ne pas dépasser cette fameuse limite de rupture. La santé se fait avec des soignants au plus proche des territoires. Et en aucun cas sans eux, et décidée à Paris.
Dr Nikan MOHTADI, Président de l’URPS Médecins Libéraux de Bretagne
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